Destinataires :
Mme la Ministre de la Recherche
M. le Directeur de la Recherche
M. le Président de l’Académie des Sciences
Mmes et MM. les Directeurs des acteurs de la recherche publique regroupés
au sein de l’Alliance thématique AllEnvi (BRGM, CEA, CEMAGREF, CIRAD,
CNRS, CPU, IFREMER, INRA, IRD, LCPC, Météo France, MNHN)
M. le Président de l’Agence d’Évaluation de la Recherche et de
l’Enseignement Supérieur
M. le Président du Comité d’Éthique du CNRS
Éthique scientifique et sciences du climat : lettre ouverte
Nous, scientifiques du climat, attachés au devoir de rigueur scientifique,
interpellons les structures référentes de la recherche scientifique
française, face aux accusations mensongères lancées à l’encontre de notre
communauté.
Un pacte moral relie les scientifiques et la société. Rémunérés
principalement par les crédits publics, les scientifiques doivent déployer
une rigueur maximale, pour la conception, la réalisation, la publication
de leurs travaux. Leurs pairs sont les arbitres de cette rigueur, à
travers les processus critiques de relecture, de vérification, de
publication des résultats. Les hautes instances scientifiques sont les
garants de cette rigueur. C’est sur cette éthique scientifique que repose
la confiance que la société peut accorder à ses chercheurs.
Reconnaître ses erreurs fait également partie de l’éthique scientifique.
Lorsqu’on identifie, après la publication d’un texte, des erreurs qui ont
échappé aux processus de relecture, il est d’usage de les reconnaître, et
de les corriger, en publiant un correctif. Ainsi, des glaciologues ont mis
en évidence une erreur dans le tome 2 du 4ème rapport du Groupe d’expert
intergouvernemental sur l’évolution du climat («Impacts, Adaptation et
Vulnérabilité, chapitre 10 : Asie») concernant le devenir des glaciers de
l’Himalaya. En l’absence de procédure formelle d’«erratum», le GIEC a
publié son «mea culpa» (http://www.ipcc.ch/pdf/presentations/himalaya-statement-20january2010.pdf),
reconnaissant l’erreur, et soulignant que les processus de relecture du
rapport n’avaient pas fonctionné pour ce paragraphe. En cela, le GIEC a
respecté la déontologie scientifique.
Depuis plusieurs mois, des scientifiques reconnus dans leurs domaines
respectifs dénigrent les sciences du climat et l’organisation de
l’expertise internationale, criant à l’imposture scientifique - comme le
fait Claude Allègre dans L’Imposture climatique ou la fausse écologie
(Plon, 2010), pointant les prétendues «erreurs du GIEC», comme le fait
Vincent Courtillot dans Nouveau voyage au centre de la Terre (Odile
Jacob, 2009) et dans des séminaires académiques. Ces accusations ou
affirmations péremptoires ne passent pas par le filtre standard des
publications scientifiques. Ces documents, publiés sous couvert
d’expertise scientifique, ne sont pas relus par les pairs, et échappent de
ce fait aux vertus du débat contradictoire.
Ces ouvrages n'auraient pu être publiés si on leur avait simplement
demandé la même exigence de rigueur qu'à un manuscrit scientifique
professionnel. De nombreuses erreurs de forme, de citations, de données,
de graphiques ont été identifiées. Plus grave, à ces erreurs de forme
s’ajoutent des erreurs de fond majeures sur la description du
fonctionnement du système climatique. Leurs auteurs oublient les principes
de base de l’éthique scientifique, rompant le pacte moral qui lie chaque
scientifique avec la société.
Ces attaques mettent en cause la qualité et la solidité de nos travaux de
recherche, de nos observations, études de processus, outils de
modélisation, qui contribuent à une expertise nécessairement
internationale.
Vous constituez les structures référentes de la recherche scientifique
française. Les accusations publiques sur l’intégrité des scientifiques du
climat sortent des cadres déontologiques et scientifiques au sein desquels
nous souhaitons demeurer. Nous pensons que ces accusations demandent une
réaction de votre part, et l’expression publique de votre confiance
vis-à-vis de notre intégrité et du sérieux de nos travaux. Au vu des défis
scientifiques posés par le changement climatique, nous sommes demandeurs
d’un vrai débat scientifique serein et approfondi.
Liste des premiers signataires
Valérie Masson-Delmotte (LSCE)- Edouard Bard (Collège de France / CEREGE)-
François-Marie Bréon (LSCE)- Christophe Cassou (CERFACS)- Jérôme
Chappellaz (LGGE)- Georg Hoffmann (LSCE)- Catherine Jeandel (LEGOS)- Jean
Jouzel (LSCE)- Bernard Legras (LMD)- Hervé Le Treut (IPSL)- Bernard
Pouyaud (IRD)- Dominique Raynaud (LGGE)- Philippe Rogel (CERFACS)
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