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Isabelle et Pierre Bauer 

Dans son remarquable ouvrage intitulé «Histoire du climat depuis l’an mil» publié en 1967, Emmanuel Le Roy Ladurie retrace l’évolution du climat (français, voire européen, pour l’essentiel). Il s’appuie largement sur des données de dendrochronologie et sur les dates des vendanges. Sachant que les dates des vendanges, depuis des temps immémoriaux, sont fixées administrativement pour faciliter l’organisation des équipes de vendangeurs mais aussi la collecte de l’impôt, on peut s’interroger sur la pertinence en termes de climat d’un tel indicateur. En fait la détermination de ces dates, les bans des vendanges, a toujours pris en compte la date de floraison de la vigne et une période de 100 jours pour atteindre la maturation du raisin. Des réseaux de suivi de la maturation du raisin sont désormais en place afin d’optimiser la date des vendanges pertinente pour un vignoble donné.

L’idée du lien entre le développement végétal de la vigne au cours du printemps et de l’été avec la température moyenne d’une année donnée est confortée par des études menées pour le compte de l’Observatoire national d’étude du réchauffement climatique (ONERC) comme l’indique la courbe ci-dessous qui donne pour le Saint Émilion la relation entre la date de début des vendanges et la somme des températures moyennes journalières (degrés jours) excédant le seuil de 10°C. En effet le développement végétal de la vigne ne se produit qu’au-dessus de ce seuil avec un taux de croissance qui augmente avec la température. La date des vendanges est d’autant plus précoce que cette somme des températures est élevée. Elle suit une loi de variation remarquablement linéaire.

C’est ce que confirme également une autre étude menée conjointement par L’Institut Pierre-Simon Laplace, Météo France et l’INRA avec Emmanuel Le Roy Ladurie (Daux et al , 2007) qui donne les dates des vendanges pour différentes régions viticoles en fonction de la moyenne des températures journalières maximales entre avril et août. On retrouve bien une loi de variation linéaire, spécifique pour chacune des régions viticoles, entre la date des vendanges et la moyenne des températures maximales.

Moyenne des températures maximales journalières

Il est intéressant à ce stade de replacer l’évolution récente de la date des vendanges dans son contexte historique. On dispose pour cela des données de dates des vendanges en Bourgogne D’Emmanuel Le Roy Ladurie sur cinq siècles complétées jusqu’au début des années 2000 par Rochard et al (2005). La figure ci-dessous donne la moyenne mobile décadaire de la date des vendanges de1490 à 2003 ainsi que les dates extrêmes de vendanges. Sur plus de cinq siècles le record absolu de précocité est fourni par l’année 2003 (dépassant de peu l’année 1556). 2003 est l’année de la fameuse canicule dont il sera question spécifiquement un peu plus loin. Un autre phénomène remarquable correspond àl’avancement d’une quinzaine de jours en moyenne mobile de la date des vendanges depuis la fin des années 80.

Qu’en est-il spécifiquement pour Le Beaujolais ?

Le mémoire de Master de Yohan Lafragette (2013), dont a été tiré une grande partie des éléments de cette FAQ, s’intéresse précisément au Beaujolais et plus généralement aux vignobles du Nord-Est de la France. Yohan Lafragette présente en premier lieu, dans la figure ci-dessous, l’évolution de la température moyenne annuelle de 1960 à 2012 captée par un réseau de 7 stations météorologiques du Beaujolais. En séparant en 2 les données (de 1960 à 1987 et de 1988 à 2012), il fait apparaître une augmentation moyenne de la température entre ces 2 périodes de 0,4°C. On peut retenir également qu’en dépit d’une forte variabilité d’une année à l’autre, la tendance moyenne de l’augmentation entre 1960 et 2012 est de l’ordre de 1°C, ce qui est considérable ! 

En fait l’essentiel pour la vigne est la valeur de la température au cours de son développement végétatif, soit en première approximation d’avril à août. Les données présentées ci-dessous mettent en évidence des évolutions distinctes des moyennes, en Beaujolais, de températures maximales diurnes, moyennes diurnes et minimales diurnes entre 1993 et 2012. La croissance de la moyenne des températures maximales diurnes pendant la période végétative atteint un niveau de 1,9°C par décennie, alors que celle des températures minimales est du même ordre de grandeur que celle des températures moyennes annuelles (0,2°C par décennie).Il s’ensuit que la vigne est particulièrement sensible à la hausse des températures maximales.

Les conséquences sur la phénologie du vignoble du Beaujolais de l’évolution récente de la température sont, comme l’indiquent les 3 figures ci-dessous, multiples :

  • Apparition plus précoce des bourgeons (débourrement)

  • Apparition plus précoce de la floraison

  • Avancée de la date des vendange

  • Réduction de la durée de développement végétatif

Quelles sont les conséquences du changement climatique récent sur la viticulture du Beaujolais ?

  • La précocité de la période de floraison accroît le risque lié aux gelées tardives. En effet, l’augmentation observée de la température n’entraîne pas la disparition de phénomènes de gels tardifs.

  • Les températures plus élevées ont pour effet d’accroître le degré potentiel d’alcool du vin, ce qui permet de moins  chaptaliser. Elles augmentent, par contre, le recours à l'acidification.

  • L’avancée de la période de maturation du vignoble du Beaujolais de septembre à août augmente la température du raisin au moment de la récolte, ce qui a un effet sur la vinification. Il faut alors décaler les vendanges vers l’aube et posséder une bonne capacité frigorifique pour refroidir les cuves de vinification.

Le cas de la canicule de 2003

Le cas de la canicule d’août 2003, elle-même précédée par un événement de très fortes chaleurs en juillet, a soumis les vignobles à des températures excessives grillant littéralement les baies alors que la maturation n’était pas achevée. Afin de sauver ce qui pouvait l’être, la date des vendanges a été avancée et des mesures d’acidification ont été appliquées afin d’aboutir à une vinification acceptable…ce ne fut ni une grande année sur le plan quantitatif ni une bonne année sur le plan qualitatif.

Conclusion

Le vignoble du Beaujolais a subi des changements très sensibles en réponse au changement climatique (phénologie, date des vendanges, degré d’alcool…), certaines pratiques vinicoles ont évolué (refroidissement de la vendange, diminution de la chaptalisation, besoin accru d'acidification).

Faudra-t-il bientôt procéder à des modifications plus radicales comme par exemple le choix de nouveaux cépages mieux adaptés que le gamay aux fortes températures ?

Références

Daux Valérie, Pascal Yiou, Le Roy Ladurie Emmanuel, Mestre Olivier, Chevet Jean-Michel et l’équipe d’OPHELIE, Température et dates de vendanges en France, 2007.

Lafragette Yohan, Le changement climatique dans le Beaujolais et les vignobles du Nord-Est de la France :Etude de l’évolution des stades phénologiques en Beaujolais, Alsace, Bourgogne,Champagne et Jura, 2013, Mémoire de M2 EDMR Paris VII

Le Roy Ladurie Emmanuel, Histoire du climat depuis l’An mil, 1967, Ed. Flammarion

Ministère de la Transition écologique et Solidaire Dates des vendanges à Saint Émilion

Rochard Joël, Clément Jean-Rémy, Srhiyeri Abdelhaq, Zonage et modification du climat : évolution des dates de vendange, création d’un observatoire phénologique de la vigne, 2005. 

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