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Un paradoxe élucidé ?

Guy Jacques 

Les aires océaniques riches en sels nutritifs et pauvres en chlorophylle (HNLC, sigle de High Nutrients – Low Chlorophyll) couvrent 20 % de la surface océanique, soit près de 15 % de la planète, ce qui n’est pas rien…

Jusque vers les années 1970, tout était simple en écologie pélagique…

Si à un moment donné, dans un endroit donné, la lumière et les sels nutritifs (phosphate, nitrate) abondent, le phytoplancton se multiplie. Dans des conditions idéales, la production primaire peut alors atteindre 10 grammes de carbone par mètre carré et par jour (10 gC • m–2 • jour–1)alors, qu’en moyenne, elle avoisine 75 gC • m–2 • an–1. Seule complication, l’éclairement à prendre en considération n’est pas celui qui atteint la surface de l’océan mais celui qui est reçu par les algues. Si la couche de mélange atteint quelques centaines de mètres, le  phytoplancton suit cette convection, passant alors trop de temps à faible lumière. C’est pourquoi, aux latitudes supérieures à 40°, fertilisation en sels nutritifs et floraison planctonique sont décalées. Le mélange vertical hivernal enrichit la couche superficielle en phosphate et en nitrate, mais il entraîne les algues à l’obscurité. Il faut attendre le début de la stratification thermique pour que le phytoplancton se multiplie en épuisant rapidement les réserves nutritives. 

De rares régions de l’océan connaissent un «printemps» éternel : les upwellings intertropicaux, à la bordure occidentale de l’Afrique et de l’Amérique. Les alizés chassent les eaux superficielles vers le large, entraînant une remontée quasi permanente d’eau profonde fertile. Couvrant à peine plus d’un millième de la surface océanique, ces upwellings assurent le dixième de la pêche mondiale.

Figure 1 : Distribution superficielle  du nitrate dans l’océan.

Les surfaces en noir et en bleu constituent les aires «HNLC»  (High Nutrients-Low Chlorophyll)  riche en en nitrate et phosphate et pauvres en phytoplancton en raison d’une carence en fer.

Un peu avant les années 1970, les océanographes signalent, notamment au large des upwellings, de vastes aires encore riches en sels nutritifs (figure 1) mais peu productives, évoquant le manque d’un élément-trace encore inconnu. 

Coup de tonnerre en 1970 ! 

Lors d’une conférence dans une des plus célèbres stations marines, la Woods Hole Oceanographic Institution (WHOI), un homme immobile dans son fauteuil roulant, proclame d’une voix de basse : «Donnez-moi un demi-pétrolier rempli de fer et je vous rendrai un âge glaciaire». John Martin entre dans la légende. Pour lui, ces déserts océaniques sont dus à une carence en fer, le fameux «élément-trace» et non à un broutage excessif par le zooplancton ou au manque de silicate. Cet aspect et les applications possibles de cette découverte sera développé dans une autre FAQ (La fertilisation de l’océan : la solution ou le problème ?) mais il est certain que cette carence est prouvée, y compris par de nombreuse expériences «grandeur nature» in situ. 

Rendre compte ici des expériences in situ

Un cinquième de l’océan constitue les aires HNLC : la zone intertropicale, notamment dans le Pacifique, l’océan Antarctique, la mer de Béring et les eaux subarctiques. 

À la différence de l’azote et du phosphore, le fer n’est pas impliqué dans l’élaboration de la biomasse, mais il participe à des systèmes enzymatiques (synthèse de la chlorophylle, utilisation du nitrate, système redox). Comme il constitue un élément-trace, de faibles apports suffisent quand il constitue l’élément limitant pour rehausser nettement la production primaire : à partir des continents, des fonds marins, des poussières d’icebergs et, surtout, de l’atmosphère. C’est sans doute pourquoi, les aires HNLC ne constituent pas les aires les plus oligotrophes de l’océan. Ainsi, la production primaire de la divergence équatoriale du Pacifique dépasse 100 gC • m–2 • an–1  (150 entre 120 et 150° de longitude ouest) alors qu’elle est inférieure à 100 gC • m–2 • an–1, parfois même à 50, au cœur des gyres subtropicaux qui constituent ce que je propose d’appeler les aires LNLC (Low Nutrients-Low Chlorophyll). 

C’est le cas des parages de l’île de Pâques : 

  • nitrate indétectable jusqu’à 180 m, 

  • 1 % de lumière de surface à 200 m, 

  • teneur en chlorophylle de l’eau superficielle de 0,02 mg•m–3, maximum profond de chlorophylle atteignant seulement 0,16 mg•m–3

Les océanographes français qui ont effectué ces mesures lors de la campagne Biosope en 2004 parlent d’un site ultra-oligotrophe où le bleu profond des eaux virait presque au noir.
Le fer étant une élément-trace, il est logique que des apports modestes modifient d’un ordre de grandeur la production primaire des aires HNLC. L’analyse des carottes de glace antarctiques permet aux paléoclimatologues (Petit et al., 1999) d’attribuer au phytoplancton un rôle majeur dans la régulation de la teneur en CO2 lors des cycles glaciaires. Cette hypothèse, discutée mais bien étayée, lève en même temps toute ambiguïté sur la succession des phénomènes. Dans ce scénario, les variations des paramètres orbitaux (théorie astronomique de Milutin Milankovitch, 1941) déterminent les variations de la température. En période glaciaire, le régime des vents transportent au-dessus de l’océan Austral de fortes quantités d’aérosols en provenance des déserts australiens. Cette fertilisation en fer (et peut être en silicium, déficitaire au sud du front polaire), décuple la production primaire : l’activation de la «pompe biologique» diminue la teneur en CO2 de l’atmosphère (figure 2) dont le cycle est totalement parallèle à celui de la température.

Figure 2 : Concentration de CO2 et quantité de poussières dans la basse atmosphère depuis 400 000 ans.
Lors de périodes glaciaires, l’apport de fer par les aérosols s’accentue. Ces aérosols fertilisent l’océan Austral dont la production primaire décuple, «pompant» alors le CO2 atmosphérique. 

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