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Yves Dandonneau 

Les activités humaines en brulant les combustibles fossiles consomment de l'oxygène et produisent du CO2. Parallèlement à l'accroissement du CO2 dans l'atmosphère se pourrait-il que l'on vienne à manquer d'oxygène?

L'air que nous respirons est composé majoritairement d'oxygène pour 1/5ème et d'azote pour 4/5ème environ. L'oxygène est donc présent en grande quantité dans l'atmosphère, et cela où que nous allions, sauf à des altitudes très élevées, où l'atmosphère elle même est trop peu dense, ou bien dans l'océan où, présente sous forme de gaz dissous, sa concentration dépend de son cycle au sein de l'océan. Le risque que nous venions à manquer d'oxygène ne s'est jamais présenté dans l'histoire des hommes et paraît donc lointain. Pourtant, on entend parfois dire que «l'océan fournit la moitié de l'oxygène que nous respirons», ou bien encore on va jusqu'à désigner l'Amazonie comme «le poumon de la planète». Des plantes vertes dans les appartements sont réputées assainir l'air en fournissant de l'oxygène. Sachant que l'origine de tout cet oxygène libre, respirable, est la photosynthèse des ères géologiques passées, que la vie océanique est menacée, et que la forêt amazonienne disparaît peu à peu pour laisser place à des champs cultivés, on pourrait pourtant se laisser gagner par une certaine inquiétude.
Une description des processus qui constituent des sources d'oxygène, ou au contraire en consomment (on les appelle alors des puits), ainsi qu'un examen des stocks terrestres, montre que la concentration en oxygène de l'atmosphère est à l'abri d'une évolution catastrophique pour encore bien longtemps. Ces processus sont très variés, mais peuvent être regroupés en trois catégories :

  • la photosynthèse, qui produit de l'oxygène, et son contraire, la respiration

  • la solubilité dans les océans

  • les réactions d’oxydoréduction avec les roches.

Quelques principes de base de la chimie de l'oxygène

La molécule d'oxygène, O2, comprend deux atomes d'oxygène. L'isotope de masse atomique 16 est de loin le plus abondant, mais l'isotope 18O représente environ 0,2 % de la totalité, tandis que l'isotope 17O est beaucoup plus rare. Ces isotopes peuvent se comporter différemment dans certains processus et réactions (lors de l'évaporation de l'eau, par exemple) ce qui leur confère des propriétés intéressantes pour l'étude du climat ancien.
Mais ce qui donne à l'oxygène son rôle si important dans la biosphère, c'est sa très forte tendance à s'associer à d'autres molécules : à les «oxyder». Cette propriété vient de ce qu'il n'y a sur la couche externe de l'atome d'oxygène que six d'électrons, alors qu'il en faudrait huit pour qu'il devienne stable. Ainsi, l'oxygène tend à s'associer à d'autres éléments chimiques qui, eux, ne comportent que quelques électrons sur cette couche externe et peuvent les partager avec l'oxygène : parmi ces éléments, l'hydrogène qui combiné à l'oxygène donne l'eau H20, le carbone qui donne le gaz carbonique CO2, l'azote qui donne les oxydes d'azote et l'ion nitrate NO3-, etc.
Ces réactions de l'oxygène avec d'autres éléments s'accompagnent d'un fort dégagement de chaleur : la combinaison d'un atome de carbone et d'une mole d'oxygène dégage 394 kilojoules.
Inversement, si on voulait récupérer l'oxygène à partir du gaz carbonique, il faudrait apporter cette énergie : viendrions nous à manquer d'oxygène, qu'il nous serait très coûteux d'en produire.

Photosynthèse et respiration

Lors de la formation de la Terre, l'atmosphère était dépourvue d'oxygène libre, et ne permettait donc pas le développement de la vie tel que nous la connaissons maintenant. Ce n'est qu'à partir de l'apparition d'un assemblage de molécules, capable d'enlever un atome d'oxygène à la molécule de gaz carbonique en utilisant l'énergie lumineuse émise par le soleil, que ce gaz, très abondant dans l'atmosphère primitive, a peu à peu décru au profit de l'oxygène, aboutissant à l'atmosphère telle que nous la connaissons et qui a assez peu changé depuis des millions d'années. Cet assemblage de molécules a permis aux végétaux d'effectuer la photosynthèse de la matière organique dont l'équation simplifiée peut s'écrire comme suit :

6 CO2 + 6 H2O → C6H12O6 + 6 O2

Le composé symbolisé par la formule C6H12O6 représente les hydrates de carbone qui sont un composant essentiel de la matière vivante, et aussi son carburant. L'élaboration d'une matière vivante, plus diversifiée et plus complexe, requiert de l'énergie et celle ci est fournie par l'oxydation d'une partie de ces hydrates de carbone ou autre composé issu de la vie, via la respiration, qui s'opère par la réaction inverse :

C6H12O6 + 6 O2 → 6 CO2 + 6 H2O

La respiration fournit l'énergie nécessaire à la croissance et à l'activité des organismes, et aussi à l'activité des micro-organismes responsables de la dégradation de la matière organique excrétée par les organismes ou de celle des cadavres de ces derniers. Au terme de ces processus, lorsque toute la matière vivante aura été dégradée, autant d'oxygène aura été consommé par la respiration qu'il en a été produit par photosynthèse.

Océan et terres émergées se comportent différemment

Sur les terres émergées comme dans les océans, photosynthèse et respiration ont lieu simultanément, mais certaines périodes ou situations peuvent favoriser l'un ou l'autre de ces processus, et la séparation entre les deux se fait de façon très différente selon qu'on considère les terres émergées ou les océans.
Sur les terres émergées, aux hautes latitudes, au printemps et en été c'est la photosynthèse qui domine, et s'exerce dans les feuilles, tandis qu'en automne et en hiver, ces feuilles sont décomposées au niveau du sol par des micro organismes dont la respiration fait décroître la teneur en oxygène de l'atmosphère (figure 1). Dans les régions tropicales soumises à une alternance saison sèche – saison des pluies, la croissance des végétaux, très ralentie faute d'eau en saison sèche, a lieu en saison des pluies, et alors la production d'oxygène l'emporte sur la respiration. Au contraire, en saison sèche, le manque d'eau conduit à un dépérissement des feuillages et, la chaleur aidant, les processus de dégradation de la matière organique dominent. Photosynthèse et respiration tendent donc à être séparées dans le temps (sauf en région équatoriale où le rythme saisonnier est moins marqué).

Figure 1 : schéma simplifié du cycle du carbone sur les terres émergées. L'oxygène y suit un cycle inverse : une absorption de gaz carbonique au niveau des feuilles (par photosynthèse) correspond à une émission d'oxygène, tandis que la respiration consomme de l'oxygène et produit du gaz carbonique

La même séparation dans le temps s'observe aussi en mer, mais là, on a surtout une séparation dans l'espace : la photosynthèse a lieu exclusivement dans la couche éclairée de l'océan – approximativement : les 100 premiers mètres, tandis qu'une grande partie de la respiration est le fait de l'activité bactérienne qui s'exerce aux dépends des débris issus de l'écosystème superficiel lors de leur lente chute vers la profondeur. Or, l'océan superficiel ne se mélange que très lentement avec les eaux profondes. Le fond des océans est occupé par des eaux qui ont été en contact avec l'atmosphère 1000 ans auparavant environ, qui se sont alors saturées en oxygène, mais qui ont ensuite plongé et n'ont plus connu que la respiration : leur contenu en oxygène y a diminué peu à peu (figure 2).
D'autre part, la surface des océans, qui reçoit un flux d'énergie solaire qui varie en fonction des saisons, est plus chaude en été qu'en hiver. Indépendamment de toute vie, ces variations de température mettent en jeu des flux d'oxygène de la mer vers l'atmosphère ou inversement, car la solubilité de l'oxygène dans l'eau dépend de la température. La formule empirique simple est :

O2 (mg/litre) = (475 - 2,65 S) / (33,5 + T)

où S est la salinité en g/l et T est la température en °C (Gameson et Robertson, 1955). Le phénomène dominant est causé par l'oscillation été / hiver de la température. En hiver, les océans qui se refroidissent absorbent de l'oxygène, et ils en émettent en été lorsqu'ils se réchauffent. Ce schéma simple est modifié par les courants marins lorsque ceux ci portent des eaux chaudes vers les pôles où inversement des eaux froides vers l'équateur, ou bien encore lorsque la formation de glace de mer fait barrière aux échanges de gaz entre l'océan et l'atmosphère.

Figure 2 : quelques profils caractéristiques d'oxygène dissous dans les océans. Près de la surface, on observe toujours des concentrations élevées, dues à la dissolution jusqu'à saturation de l'oxygène atmosphérique ainsi qu'à la photosynthèse. Sous ce maximum, les concentrations décroissent du fait de la consommation d'oxygène par les bactéries qui dégradent les détritus issus de la surface. Plus profond, les concentrations remontent, d'une part parce que peu de détritus y parvienne sans être dégradés auparavant, et d'autre part parce que ces eaux profondes se sont formées aux hautes latitudes, dans des zones froides, et que la solubilité de l'oxygène s'accroît lorsque la température baisse.

L'action combinée des terres émergées et des océans sur l'oxygène atmosphérique

Photosynthèse, respiration et dissolution dans l'eau de mer agissent simultanément et font varier la concentration de l'atmosphère en oxygène. Ces variations ont été mesurées par Keeling et Shertz (1992) en trois endroits de la planète : en Alaska, en Californie et en Tasmanie. Dans les deux premiers, tous deux situés dans l'hémisphère nord, on observe un maximum d'oxygène atmosphérique en été et un minimum en hiver. Le maximum d'été est principalement dû à la photosynthèse sur les terres émergées qui caractérisent cet hémisphère. En hiver, respiration et dissolution dans l'eau de mer plus froide se combinent pour donner lieu à un minimum. Entre le maximum et le minimum, l'écart est d'environ 26 ppm (parties par million) en Alaska, et de 20 ppm en Californie. Cet écart est moindre en Tasmanie (18 ppm), l'hémisphère sud étant essentiellement occupé par les océans et la photosynthèse terrestre n'y jouant qu'un faible rôle. Ces variations saisonnières sont très petites comparées à la concentration en oxygène qui est environ 200 000 ppm. La plus forte, celle observée en Alaska, n'en représente que 0,013 %. Un changement des océans, ou de la photosynthèse globale (même s'agissant de l'Amazonie, ce pseudo - « poumon de la planète »), ne semble donc pas pouvoir menacer la qualité de l'atmosphère à moyen terme.

La perturbation anthropique

Depuis plus d'un siècle, l'homme satisfait ses besoins en énergie en brûlant du charbon et des hydrocarbures issus de la photosynthèse des ères géologiques passées. Cette combustion consomme de l'oxygène. De même, l'accroissement de la population mondiale a conduit à défricher les forêts pour les remplacer par des cultures. Cette pratique a aussi pour résultat une consommation d'oxygène. D'une part la biomasse que constitue la forêt, très élevée, est pour une bonne part transformée en gaz carbonique. D'autre part les pratiques agricoles génèrent un appauvrissement des sols par dégradation de la matière organique qu'ils contiennent (l'humus). Cette dégradation est le fait d'organismes qui respirent et qui consomment donc de l'oxygène. Les diminutions correspondantes se font au total au taux d'environ 4 ppm/an soit environ 0,002 % du contenu en oxygène de l'atmosphère.
Là encore, il n'y a donc pas lieu de craindre un manque dans les décennies à venir, à moins que les émissions de gaz carbonique par l'homme aillent croissant pendant longtemps, ce qui paraît exclu par le simple fait que le bouleversement climatique serait alors tel que nous serions en terrain inconnu, dangereux, et hors de portée de notre imagination. À des horizons moins catastrophiques, atteindre 1000 ppm de gaz carbonique dans l'atmosphère (soit une augmentation de 600 ppm) correspondrait à une baisse de l'oxygène atmosphérique d'approximativement 1200 ppm, soit 0,6 % du stock actuel.

Des scénarios catastrophe ?

L'oxygène a tendance à s'associer à d'autres substances chimiques pour les oxyder (les brûler). Ainsi, des stocks de carbone ou de matière organique qui ne participent pas actuellement au cycle de la matière vivante pourraient «partir en fumée» en incorporant de l'oxygène. La matière organique des sols en est un exemple comme on l'a vu plus haut lorsque des forêts sont mises en culture. Les stocks de carbone oxydable sont disponibles dans le 5ème rapport du GIECC. Sachant qu'un atome de carbone oxydé en une molécule de gaz carbonique consomme une molécule d'oxygène, un calcul rapide donne, en cas d'une oxydation globale rapide de ces stocks, les ordres de grandeur suivants (pourcentages de diminution de l'oxygène atmosphérique) :

  • oxydation des hydrocarbures (gaz) - 0,19 %

  • oxydation des hydrocarbures (pétrole) - 0,07 %

  • oxydation du charbon - 0,16 %

  • oxydation de la matière organique des sols - 0,64 %

  • oxydation du permafrost - 0,55 %

Pétrole, gaz et hydrocarbures, s'ils font peser une menace sur le climat, ne peuvent donc causer, dans le cas improbable d'une exploitation totale, qu'une décroissance modérée de la concentration en oxygène de l'atmosphère. Sols et permafrost, incluant les tourbières, ont un pouvoir de nuisance plus élevé. Surtout, la stabilité de ces derniers est menacée par le réchauffement global, et si, en termes d'oxygène, les conséquences seraient supportables, elles seraient catastrophiques en termes de gaz carbonique et d'effet de serre.
Un autre domaine qui présente un fort potentiel pour réduire la concentration en oxygène de l'atmosphère est l'océan profond, au dessous de 300 m : là se trouvent en quantités gigantesques des eaux très sous-saturées en oxygène. Si elles remontaient en surface, ces eaux auraient la capacité d'absorber l'oxygène de l'atmosphère jusqu'à leur saturation. Ce scénario n'est toutefois pas réaliste dans le contexte du réchauffement du climat, car ce dernier rend les eaux de surface plus chaudes et plus stables, renforçant ainsi l'effet de couvercle par lequel elles empêchent les eaux froides profondes d'entrer en contact avec l'atmosphère.
Non, ni un dysfonctionnement de l'océan après lequel il cesserait de fournir de l'oxygène à l'atmosphère, ni une oxydation massive des stocks de carbone terrestres, ne sont de taille à réduire sensiblement la concentration en oxygène de l'atmosphère.

Réferences :
Gameson, A. L. H., etRobertson, K. G. (1955) The solubility of oxygen in pure water and sea-water. Journal of Applied Chemistry, 5 (9) : 502.
Keeling, Ralph F. et Shertz, Stephen . (1992) Seasonal and interannual variations in atmospheric oxygen and implications for the global carbon cycle. Nature, 358 : 723-727.

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