Les News
Mois de Novembre/Décembre 2008
1/1 - Nouvel accord entre Hawaii, Taiwan et Lockheed Martin pour une centrale électrique ETM de 10 MW
Un correspondant du Club des Argonautes aux USA nous confirme qu’unaccord de coopération a été conclu entre l’État, l’ITRI de Taiwan et Lockheed Martin Co. pour l’étude d’une usine pilote ETM de 10 MW. L’annonce été faite par le Gouverneur de l'État d'Hawaii, Linda Lingle le 18 novembre dernier.
Il s'agit de l’État d’Hawaii avec son Université et son centre
d’essai, le NELHA.
L'ITRI est l'institut taiwanais qui a financé le
secrétariat de l’IOA de 1990 à 2002.
L'ensemble des IOA News
Letters publié par cet organisme est disponible sur notre site.
Lockheed Martin Corporation fut une des compagnies qui participa avec l’État d’Hawaii au financement et à la réalisation de la première centrale flottante à cycle fermé Mini OTEC. (1977-79).
Au cours des décennies passées nombreuses ont été les annonces
sans suite de projets de ce type et il convient donc d’être prudent. Il s’avère
toutefois que la qualité des partenaires et leur intérêt soutenu pour le
développement de la filière donne à cette annonce une crédibilité
particulière.
Les îles d’Hawaï et de Taiwan sont lourdement dépendantes des apports
extérieurs pour répondre à leurs besoins en énergie primaire. Elles sont
situées dans la zone tropicale où la ressource ETM est abondante et accessible.
Leurs économies sont suffisamment développées pour qu’elles puissent jouer un
rôle pionnier dans le développement de la filière. Enfin elles ont établi
depuis plus de vingt ans des relations de coopération scientifique et technique
soutenues sur ce thème.
Nous suivrons donc avec attention l’avancement et les résultats de cette
coopération.
Mois d'Octobre 2008
1/1 - Octobre 2008 : 2ieme Conférence internationale sur les Énergies Marines: ICOE 2008
Cette conférence concernant l'ensemble des énergies marines, organisée par l'Ifremer et l'EDF, s'est tenue à Brest du 15 au 17 octobre 2008. Avec plus de 450 participants (deux fois plus que prévu), venus du monde entier, ce fut un grand succès.... D'ailleurs, une nouvelle édition est déjà prévue pour octobre 2010 à Bilbao.
Quelques remarques d'ordre général
Il était réconfortant de voir cette assistance nombreuse, très active dans le
domaine encore émergent des ERM (Énergies Renouvelables Marines), d'un bon
"degré de Biodiversité", tant par les tranches d'âge,
que par les milieux professionnels:
Instituts de recherche, (Ifremer, École Centrale de Nantes, École Normale Superieure de Cachan, HNEI d'Hawaii),
Des groupes industriels ou des bureaux d'études, comme Total Fina, EdF, SAIPEM (représentée par notre correspondant Jacques Ruer), Coyne et Bellier (représentée par notre correspondant David Levrat)
PME comme Enertrag France, Hydro-GEN, pour ne citer qu'elles.
Projets d'entreprises encore en gestation, comme le "SWAC en circuit fermé" porté par Bruno Garnier ("De Profundis"...)
Sans oublier les sociétés de services comme Elyo (Groupe Suez),
Et les sociétés spécialisées dans ce que l'on hésite désormais, à appeler ... "Capital Risque" ! (dans la mesure ou... investir dans des ERM est sans doute moins risqué que... dans des "Subprimes" !)
Comme beaucoup de réunions sur l'énergie, (à fortiori lorsqu'elle est renouvelable !), ICOE 2008 comportait son cortège de... "Constats paradoxaux" comme par exemple :
L'impressionnant paquet de brochures remis à chaque participants. A l'ère des DVD, clés USB, et des documents Pdf en couleurs...
La "riche actualité" de l'Éolien Off Shore, qui cumule les règles applicables au domaine maritime ET à "l'Éolien terrestre" ... de sorte que la ferme éolienne de la Cote d'Albâtre n'a fait l'objet que de ... SEPT enquêtes publiques différentes ! Sans oublier la récente annulation du décret de F. Loos, (qui fixait un prix de rachat du kWh éolien, voisin de celui du "Photovoltaïque intégré dans la toiture"...). Le tout dans une totale "incertitude du Bilan carbone" puisque ses "adversaires" attribuent au kWh Éolien une émission de CO2 de 600 g, tandis que les pouvoirs publics, (Ademe), le créditent... d'une économie de 300 g ! Dans les mois qui viennent, nous reviendrons sur cette question : il est clair qu'aucune activité industrielle, y compris hélas les ERM, ne peut se développer avec de telles inconnues !
L'attention portée, et la place accordée aux Hydroliennes ne doit pas faire oublier que ces dispositifs s'intéressent à 5% environ du potentiel techniquement exploitable des ERM; comme le dit Jean-Marc Jancovici, à propos d'autre chose :
"les énergies renouvelables dont on parle le plus ne sont pas forcement celles qui ont le plus de potentiel".
Sabella - SAIPEM Hydro-gen - Aquaphile
S'il est clair qu'il faut "cueillir les bénéfices" les plus immédiatement accessibles, (énergie mécanique dans les passes des lagons, par exemple), il serait regrettable que cette "cueillette opportuniste" conduise à une cartographie erronée... des "New Territories" qui sont devant nous !
Dans le chapitre "lutte contre les gaspillages"...
Les Japonais, s'inspirant de la première expérience de Georges Claude, avec le haut fourneau d'Ougree cherchent à exploiter systématiquement tous les gisements de chaleur industrielle "fatale"... que l'on se contente aujourd'hui de dissiper, avec parfois des soucis... notamment... en période de canicule ! (Xenesys).
Un besoin de synergie entre disciplines...
C'est un constat : les deux communautés émergentes, "Énergies Marines" et "Océanographie Opérationnelle." s'ignorent presque totalement. Elles auraient tout à gagner à interagir. Certains entrepreneurs sont impatients :
de trouver par exemple et entre autres, un moyen de quantifier l'impact environnemental, sur une échelle très locale, de projets ETM à l'Île de La Réunion et dans le Pacifique Oriental. Des aspects comme "stabilité de la ressource ETM" (locale), ou "Dômes d'eau froide" sont en effet cruciaux dans des projets aussi "Capital Intensive"...
de connaître, pour de futurs projets d'hydroliennes le potentiel des courants dans les passes, dus à la marée et surtout au déferlement des houles sur les récifs de centaines d'atolls, dont les populations sont tributaires du prix du baril pour leur consommation électrique.
Il est probable que ces besoins nouveaux ne sont pas bien pris en compte dans GMES "My Ocean"... par manque de communication entre ces différents secteurs professionnels.
L'Énergie Thermique des Mers n'est plus l'oubliée des conférences sur les énergies marines
Cette fois ci, l'ETM a fait l'objet d'une session à part entière.
Le Club des Argonautes a participé à trois présentations en collaboration avec l'Université de Hawaii, l'Institut norvégien de recherche sur l'eau., Coyne et Bellier, Saipem SA et Noble Denton Consultants.
L'exposé de Jacques Merle et al., présenté par Gérard Nihous sur les impacts de l'ETM a été particulièrement apprécié.
Conclusions
Nous n'avons pu aborder dans cet article qu'une petite partie
des sujets traités.
La mer est un milieu très riche en énergies renouvelables et les communications
ont été a la hauteur de cette richesse.
Peu après la fin de cette manifestation, un geste symbolique, Le MEDAD, l’ADEME, l’Ifremer, DCNS, EDF, les Régions Basse-Normandie, Bretagne, Haute-Normandie, Pays de la Loire, Provence Alpes Côte d’Azur, Réunion et Rhône-Alpes, ont signé le lundi 23 octobre une déclaration d’intention dans laquelle ils s’engagent à construire, ensemble, une stratégie nationale de développement des énergies marines.
Il s'agit de :
IPANEMA : Initiative PArtenariale Nationale pour l'Émergence des Énergies Marines,
Mois d'Août/Septembre 2008
1/3 - Polynésie Française : l'ETM est à l'ordre du jour - De nos correspondants en Polynésie.
En Polynésie, depuis maintenant quelques mois, l’Énergie Thermique des Mers (ETM) est revenue sur le devant de la scène.
Pour preuve,
le discours d’introduction fait par le Président du Gouvernement, au Séminaire sur l’Énergie, qui s'est tenu à Papeete dans les locaux de la Présidence du 27 au 29 août 2008. Il voit en l’ETM, l’une des voies de l’indépendance énergétique de la Polynésie Française.
ou encore la présentation par la société OCEES d’un projet à l’Assemblée de Polynésie.
Il est vrai que Tahiti et ses îles regroupent des facteurs très favorables au développement de cette technologie :
Positionnées en milieu tropical, le différentiel de température entre les eaux de surface et les eaux profondes y est important
Les pentes océaniques moyennes y sont supérieures à 45°
L’électricité y est parmi les plus chères du monde
Ces différents aspects n’ont pas échappés aux entreprises spécialisées dans ce domaine. Les sociétés Xenesys et OCEES (sociétés japonaises et hawaiiennes spécialisées dans l’ETM depuis plusieurs dizaines d’années) ont, l’une comme l’autre, finalisé des partenariats forts avec des entités et industriels locaux avec pour objectif l’application de l’ETM pour des productions d'électricité allant de 1 à 5 MW.
Chacune de ces sociétés a aujourd’hui proposé au gouvernement en place, un ou plusieurs projets, (site défini, puissance et coûts associés) . Aux autorités, maintenant de faire leur choix, afin de répondre au besoin impérieux en énergies renouvelables.
Toutefois, les premiers projets à voir le jour pourraient être des projets
totalement privés. En effet certains groupes privés locaux réfléchissent à
l’utilisation de l’ETM pour leurs différents établissements dans les 5 années à
venir. Les puissances installées seraient de l’ordre de 1MW.
Étant donné que le coût de l'électricité a augmenté de 15% mi 2008 et qu’une nouvelle hausse est prévue en début 2009, nul doute que ce simple fait, devrait accélérer fortement le développement de tels projets.
2/3 - Ifremer: Réflexion sur les Énergies Renouvelables Marines (ERM).
Partant du constat que :
l'Union européenne a fixé pour objectif : la part des énergies renouvelables devra représenter 20 % de la consommation énergétique totale de l’Europe en 2020,
les énergies marines représentent une part importante des énergies renouvelables,
la France dispose du second potentiel européen pour les énergies hydrolienne et éolienne marines, d’une excellente ressource houlomotrice et de grandes étendues marines tropicales adaptées à l'exploitation de l'énergie thermique,
l'Ifremer a lancé en mars 2007 un"travail de réflexion prospective sur les énergies renouvelables d'origine marine à l'horizon 2030" (Rapport de synthèse de l'étude prospective à 2030).
Une vingtaine de partenaires français représentant les principaux acteurs du secteur : ministères, industriels, instituts de recherche et agences spécialisées ont participé à ces travaux.
Rappelons de façon simplifiée que l'approche retenue est du type "ressources potentielles - besoins".
Toutes les ressources marines sont analysées : vent, marée, courants, houle, biomasse, thermique, pression osmotique, sans oublier les aspects technologiques, environnementaux...
Quatre scénarios, voisins de ceux que le Giec utilise, sont définis :
Crise, urgence énergétique.
Coopération vertueuse par nécessité.
Peu d’évolution, chacun pour soi.
Développement local autonome.
L'exercice consiste à analyser les conséquences de ces différents scénarios sur le développement des technologies. On en déduit ainsi une combinatoire technologie/scénarios.
Le Club des Argonautes qui s'intéresse tout particulièrement à l'Énergie Thermique des Mers, se félicite que cette dernière ait été mieux prise en considération que par le passé.
Le rapport de l'Ifremer mentionne que : "...la
France a été pionnière en la matière (énergies renouvelables) avec la première
usine marémotrice du monde (La Rance) dès les années 60 et surtout qu’il existe
des réalisations et une demande croissante dans le domaine des énergies
renouvelables marines y compris dans l’outre-mer lointain : climatisation
d’un hôtel à Bora Bora, projet identique pour l’hôpital de Tahiti, sécurité et
coûts de l’énergie dans les grandes îles tropicales françaises…"
Le Club souhaite ajouter que la France a aussi été pionnière dans le domaine de l'Énergie Thermique des Mers au début du siècle dernier avec les travaux de Georges Claude, et en 1982 dans le projet Ifremer d’une usine pilote de 5 MW destiné à Tahiti. Bien que la France ait abandonné ce domaine en 1986, les études effectuées et l'expérience acquise peuvent et doivent servir aux maîtres d'ouvrage et industriels français qui aujourd'hui envisagent de se lancer dans l'aventure.
Le calcul des contributions respectives de chaque type d'énergie marine montre la part prépondérante de l'Énergie Thermique des Mers. Les sources récentes sur le sujet convergent en ordre de grandeur :
L'article de Michel Gauthier, publié en octobre 2005 sur notre site : Calcul des potentiels exploitables
Le chapitre 7 du livre : «Systèmes de conversion des ressources énergétiques marines» de B. Multon, A. Clément, M. Ruellan, J. Seigneurbieux, H. Ben Ahmed publié chez Hermès Publishing en 2006.
L'article de Jean-Marc Jancovici : La mer, nouvel eldorado énergétique ?, publié en janvier 2008.
Et bien sûr, le présent rapport publié en mars 2008.
Rappelons la conclusion du Club, en 2005 :
"La production annuelle d’énergie primaire que l’on pourrait extraire des énergies marines serait de l’ordre de 120 000 TWh d’électricité. Ceci est équivalent à la totalité de l’énergie primaire consommée par l’humanité en l’an 2000 (et environ 10 fois la consommation annuelle d’électricité des pays de l’OCDEqui était de 10 000 TWh en 2000 avec 15 % de production renouvelable, pour l’essentiel d’origine hydraulique)".
Cette étude prospective de l'Ifremer apporte un contribution importante à la réflexion actuelle sur les énergies renouvelables, notamment parce que les énergies marines peuvent y tenir un rôle majeur.
Quelles seront les suites ? Quelles décisions ?
L'objectif affiché de ce travail est de "s’interroger sur les possibilités d’accroître les capacités de recherche et développement sur telle ou telle technologie, ce qui conduira à sélectionner les partenariats stratégiques et les financements à mettre en place ou à renforcer (dernier point en dehors du champ de cette étude)..... La France peut jouer un rôle important en recherche comme en développement surtout si les risques liés aux choix de technologies sont partagés entre tous les acteurs, dont l’État. Ce dernier dispose en effet de nombreux leviers pour fédérer les compétences et cofinancer les prises de risques".
Ce volontarisme fort bien venu est moins apparent dans les conclusions du rapport... Alors que la diversité des acteurs à impliquer est énorme, (car la variété des technologies concernées se combine avec la dispersion géographique...), le souci de fédérer ce secteur nouveau, d'éviter les duplications (notamment sur l'immense question de la maîtrise des risques techniques et environnementaux), est bien peu présent !
Pourtant, considérant l'enjeu climatique et les réductions d'émissions de GES que peuvent apporter les Énergies Renouvelables Marines... le Club appelle de ses vœux une volonté politique comparable à celle qui a prévalu, il y a 40 ans, pour le spatial ou pour le nucléaire :
il est vital que tous les acteurs, y compris la puissance publique, trouvent les moyens de fédérer leurs compétences, de conjuguer leurs talents, pour accélérer la mise en place d'un tissu industriel capable de relever "le défi... que l'espèce humaine se pose à elle même !"
3/3 - Les États Unis investissent dans les Énergies Renouvelables Marines (ERM)
Le Club reçoit de son correspondant à Hawaï une bonne nouvelle concernant les ERM.
Le DoE (US Department of Energy) a en effet annoncé le financement, (pouvant aller jusqu'à 7,3 millions de dollars), d'un programme d’actions de Recherche et Développement en partenariat avec diverses organisations publiques et privées. L'objectif de ce programme volontariste du DoE est de démontrer que ces technologies marines peuvent être compétitives et commercialement viables. .
L’ETM - Énergie Thermique des Mers- bénéficiera de cette initiative pour deux actions.
L’une confiée à la Société Lockheed Martin pour des tests de validation des technologies de construction des conduites d’eau froide profonde. L’autre confiée au National Renewable Marine Energy Center de l’University of Hawaii (Honolulu, Hawaii) pour des tests probatoires d’endurance de fonctionnement à long terme en liaison avec le secteur privé.
On rappelle que Lockheed et l’État d’Hawaï avaient été en 1979 partenaires pour la construction de « Mini OTEC », la première centrale flottante de démonstration ETM à cycle fermé.
Le Club se félicite d'avoir apporté son soutien à la candidature de l'Université d'Hawaï.
Mois de Juin/Juillet 2008
1/1 - Jason-2 enfin en orbite : il est urgent de lancer la construction de Jason-3 !
Depuis ce 20 juin, à 7h46 TU, l'un des vœux du Club des Argonautes est en voie de réalisation !
Disposer, pour nous et
pour les générations futures, d'une série homogène sur 20 ans de mesures
globales de haute précision de la hauteur dynamique de l'océan !
Ce paramètre océanique, (représentatif de toute la colonne d'eau), permet aux
océanographes de dessiner les courants océaniques, comme on le fait, pour les
champs de vents, à partir des cartes de pressions atmosphériques.
Crédit Aviso
Pourquoi une telle "obsession", au sujet de la continuité de la série de
mesures précises, entamée fin 1992 avec TOPEX-Poseidon ?
A l'origine, ce qu'on appelait "TOPography EXperiment", cette auscultation précise de la surface des océans était considérée, (du moins outre Atlantique), comme une "Expérience", en "mode Recherche", donc avec un début et... une fin !
Il existe beaucoup de raisons de pérenniser cette "expérience" :
Comme en Météorologie, la démarche expérimentale chère à Claude Bernard (Observer, Comprendre, Prévoir), ne suffit pas ! Pour disposer d'une capacité de prévision, sur un horizon de quelques semaines, de l'état futur de l'océan, il est impératif de... continuer à observer ! Selon la formule de Michel Lefebvre : "l'altimétrie océanique nous a montré combien "l'Océan est turbulent, et même... dissipé !"
Or, pour un milieu turbulent... siège de phénomènes chaotiques... une condition nécessaire pour faire une prévision numérique de son évolution future, est de disposer d'une description précise de son état actuel : cette connaissance des "conditions initiales", comme disent les physiciens permet, (en dépit de "l'effet papillon"...), de représenter de façon réaliste des écoulements turbulents, dans l'océan comme dans l'atmosphère.
Autrement dit : Sans observations récentes et globales, pas de prévision ! (sauf à retrouver... la "grenouille d'Albert Simon" !)
Aux lois de la physique, il convient d'ajouter un facteur socio-économique : la prévision est un "bien public" de base (en météorologie, on parle de "produit primaire"), qui peut servir à de multiples acteurs, publics ou privés, civils ou militaires, souvent par le biais d'un produit spécifique, adapté à tel ou tel utilisateur. Il est clair que, comme pour la météo, les applications, (et les bénéfices), que permet la prévision océanique ne sont possibles que si la prévision est assurée de façon permanente.
Il y a quelques années, dans un rapport à l'Académie des Sciences des États Unis, cette transition depuis la recherche vers les applications, au profit d'une pluralité d'acteurs... dont aucun ne peut à lui seul, justifier la mobilisation permanente de moyens aussi considérables (Satellites, Mesures in Situ, Centres de prévisions...) a été qualifiée de... "Traversée de la Vallée de la Mort" ! ["Transitioning Research to operations is like crossing the Death Valley" ].
Dans le sillage des initiatives CEOS et IGOS, il y a plus de 10 ans, il existe désormais
une tentative pour coordonner les efforts de différentes nations et mettre en
place des infrastructures permanentes permettant de réaliser une véritable
"Veille Mondiale Océan et Climat" (analogue à ce qui se passe pour la
prévision Météo): il s'agit de la démarche GEOSS (et de son homologue
GMES au niveau
européen).
Comme cela apparaît dans notre fil de News sur le sujet, la continuité des
mesures est surtout due, pour l'instant, à la robustesse des matériels, à la
qualité des équipes, de chaque coté de l'Atlantique, à leur compétence et à
leur acharnement ! Les démarches GEOSS et GMES ne produiront pas d'effets, du
moins en ce qui concerne une flottille permanente de satellites Météo
océaniques, avant plusieurs années.
Et encore... à condition que la "Traversée de la Vallée de la Mort" serve à
perdre en chemin un grave défaut des débuts européens de l'activité spatiale :
la règle dite du "retour géographique", (qui équivaudrait à sacrifier la
continuité des données à des considérations nées au siècle dernier, avec
l'Agence Spatiale Européenne !) Il serait déplorable que la coutume consistant
à disséminer les travaux industriels à travers l'Europe, (à la rigueur
compréhensible pour des travaux innovants de haute technologie), vienne
retarder la décision urgente de construire Jason-3, modèle récurrent de la série Jason !
En effet, ceux qui
"connaissent le métier du spatial"... savent qu'il existe une "loi d'airain",
dans ce domaine: "Tout ce qui n'est pas décidé aujourd'hui ne volera pas
dans 5 ans !" Pour conforter cette exigence impérieuse de "No gap", il
ne faut pas attendre que Jason-2 ait dépassé de presque 2 ans sa durée de vie,
pour lancer son successeur ! (et assurer ainsi l'indispensable inter étalonnage
de ces 2 systèmes de haute précision).
Il s'agit d'éviter un "scénario catastrophe" qui hantait beaucoup d'entre nous
depuis fin 2006 : des mesures qui ne sont pas faites sont une perte
irréparable. Dans un domaine connexe, celui des mesures de "Bilan radiatif",
(en Physique des relations Soleil-Terre), demandez donc aux chercheurs qui
doivent aussi répondre aux questions que leur pose la société: ils ne disposent
souvent que de séries de mesures "décousues", (celles des instruments ERBE...
ScaraB... et autres GERB). Faute de recouvrement entre instruments, ils en sont
réduits à formuler des hypothèses ! (voir les articles sur cette question,
notamment ceux d'E.Bard).
Le tir réussi de Jason-2, c'est donc aussi la joie de ce pari en voie d'être gagné :
constituer une série homogène et ininterrompue de 20 ans de mesures de haute précision sur l'océan mondial, soit plus de 300 millions de mesures de "hauteur dynamique"... cette grandeur tout a fait analogue à ce qu'est la pression atmosphérique pour les météorologues; (sans oublier toutes celles, complémentaires, de ERS-1 et ERS2 d'Envisat, et de GFO).
Le 4ieme Rapport du GIEC a confirmé ce que plusieurs argonautes ont écrit, des
1996, (dans le Dossier de Programme Jason-1): la continuité de ces mesures est
un enjeu crucial, car elles permettront de contraindre les modèles couplés
océan-atmosphère, qui sont eux mêmes au cœur de nos capacités de prévision du
changement climatique.
Pour terminer, le Club tient à saluer la série de prouesses techniques en cours, tant au Cnes qu'à la Nasa. Jason-2 a désormais rejoint son orbite définitive et se trouve à 55 secondes derrière Jason-1. Dans quelques mois, lorsque l'inter-etalonnage si instructif entre ces 2 systèmes de haute précision sera accompli, Jason-1 sera éloigné de Jason 2, pour contribuer avec lui à une nouvelle "Mission Tandem", comme celle qu'il réalisa, il y a 6 ans avec son aîné TOPEX-Poseïdon.
Séparation du satellite jason2
Cliquer sur l'image pour voir l'animation
http://www.aviso..ist[1]=missions
http://www.jpl..ce-of-earths-rising-seas/
Mois de Mai 2008
1/1 - Nouvelles fraîches de l'Océanographie Opérationnelle.
La réunion de clôture du programme MERSEA, visant à doter l'Europe d'une capacité
opérationnelle en "Météorologie de l'Océan", s'est tenue à l'Institut Océanographique
du 28 au 30 avril dernier.
Le type de gestion choisi pour ce programme d'une quinzaine de millions d'Euro
sur 4 ans, qui regroupait quelques 27 instituts européens ou canadien, était
"Integrated Program"... (L'instrument "IP" est l'un des
nouveaux outils de gestion mis en place, il y a quelques années, lors du
démarrage du 6ieme PCRD).
De ce point de vue, le programme MERSEA est une réussite: il
ne sera plus possible dorénavant de cires et instituts océanographiques en
Europe à une "collection de villages gaulois dont chacun ignore ce que font
les autres" !
Comme GODAE, dont il constitue en quelque sorte le
"Chapitre européen", Mersea a cultivé avec bonheur le concept de
"coopétition", ce subtil mélange de coopération et de concurrence
qui, lorsqu'il fonctionne, permet en même temps :
les synergies à l'échelle d'un continent (partage de taches et acquisition de la taille requise pour ce portefeuille d'activités de prévision météo-océanique, en général inaccessible à un seul pays), et
les avancées que procure une saine émulation entre différentes équipes.
Mersea a permis de constituer une "équipe de choc" pour
accompagner la naissance difficile, de l'océanographie opérationnelle... Ceci
permettra de passer le relais au "Marine Core Service", (objet de la proposition
"MyOcean"), l'une des composantes majeures du programme européen
GMES.
MERSEA a aussi permis des avancées spectaculaires en matière de
modélisation/prévision des phénomènes océaniques: on dispose désormais d'une
panoplie d'outils numériques, qui permet de couvrir les différentes échelles:
régionales, globale, et locales, car en océanographie comme en météorologie, la
progression s'effectue plutôt dans cet ordre ! (du régional vers le
global, ou du régional vers le local).
L'Océan Indien vu par le modèle Mercator-Océan au 1/12 de degré: Prévision de salinité à 100m pour le 29 avril 2008. (jour de la réunion Mersea)
Plusieurs argonautes ont suivi avec grand intérêt ces 3 jours d'exposés et de débats. Nous retiendrons les principaux points suivants :
La capacité de prévision de nos outils numériques est entièrement tributaire de la permanence des mesures de paramètres océaniques, depuis l'espace ou in situ... Alors que, par exemple, tous les satellites altimétriques aujourd'hui en service sont largement au delà de leur durée de vie, il est assez étonnant de voir les "gouverneurs de GMES", à l'Union Européenne comme à l'Agence Spatiale Européenne, considérer comme acquise la continuité des mesures !
Il est vrai que le lancement de Jason-2, le 15 juin prochain, viendra pallier au moins en partie, la fragilité de cette situation.
Cependant, tant qu'on ne disposera pas d'une flottille permanente d'au moins 3 à 4 satellites altimétriques, (avec leurs modèles de rechange, au sol, ou mieux... en orbite), la permanence des observations sera le résultat de la robustesse des engins lancés fin 2001 et début 2002, (Jason-1 et Envisat), plutôt que celui d'une volonté délibérée ! Bien entendu, il est tout aussi nécessaire d'assurer la permanence des observations in situ. Toutefois les conséquences d'un manque de volonté politique dans ce domaine sont "moins irréparables"... (en effet, s'agissant de satellites, l'absence de "SOUCI"... se heurte à une loi universelle: "Tout ce qui n'est pas décidé aujourd'hui ne volera pas dans 5 ans !" )
Dans la chaîne d'opérations qui rendent possibles les prévisions, le coût des observations est largement prépondérant: même si les modèles numériques d'océan exigent des équipes compétentes et des puissances de calcul considérables, les coûts correspondants ne sont qu'une fraction de celui des observations in situ ou depuis l'espace. Comme dans toute chaîne susceptible de comporter un maillon faible, la méconnaissance de cette réalité comporte 2 types de risque :
Avoir de "riches observations météo-océaniques"... peu utilisées, ou de façon très partielle, faute d'avoir mis en place les équipes et les outils numériques capables de les assimiler,
Avoir des outils et des équipes performants, réduits au "chômage technique"... faute d'observations !
Le succès de GMES, tel qu'il a été rêvé il y a juste 10 ans, par les auteurs du Manifeste de 0000FF">Manifeste de Baveno se mesurera à la qualité de la navigation entre ces 2 écueils !
La présentation du "petit dernier" du groupement Mercator Ocean fut un grand moment, (surtout pour ceux qui, comme plusieurs d'entre nous, ont suivi le film depuis le début !) Il s'agit du modèle global au 1/12 de degré, qui constitue mieux qu'un rêve partagé :
il y a 13 ans, en 1995, les forces vives de l'océanographie française réunies à la Chapelle Aubareil, n'auraient jamais osé imaginer un outil aussi performant ! Bien sûr, sa mise en production hebdomadaire demandera encore quelques efforts comme l'automatisation des procédures, (notamment en contrôle qualité), ce préalable obligatoire au passage en opérationnel, prévu début 2010 !
Le succès même de cette réunion de clôture et l'engagement proche de My Ocean, héritier de Mersea, doivent amener les pouvoirs publics français à "transformer l'essai": en dépit des évolutions propres, (parfois divergentes), de chacun des 6 organismes impliqués dans cette série de prouesses du Groupement Mercator, la vision et la volonté partagées, ce couple magique présent dans toute grande réussite, demeurent plus que jamais de rigueur.
L'importance des investissements consentis depuis 20 ans, et la position de
leader de notre pays, (tant dans Mersea que dans My Ocean), impliquent que
l'effort commun, si fructueux jusqu'à présent, ne se relâche pas.
A quand, une nouvelle réunion de prospective de la discipline, susceptible
d'avoir le même rôle fédérateur que celle de 1995 ?! Et surtout... de faire
reconnaître ce nouveau Service de la Prévision Océanique Permanente, un rouage
essentiel de la "Veille
Mondiale Océan et Climat", cet homologue de la "Veille Météorologique
Mondiale", que les argonautes jugent indispensable ! Au-delà du financement
par la recherche, ces activités doivent se voir doter d’un budget propre
assurant leur pérennité. Un sujet qui ne manquera pas d'etre discuté avec
passion, à Nice en novembre prochain, lors du prochain symposium GODAE !
Mois de Mars/Avril 2008
1/1 - ETM, après la prise de conscience une action résolue ?
Cela fait plus de quatre ans que Le Club des Argonautes fait la promotion de l'Énergie Thermique des Mers qu'il a souvent qualifié "d'énergie ignorée".
Depuis les déclarations du Président de la République et du Ministre de l'Outre mer, on ne peut plus tenir ce langage.
La grande presse fait régulièrement état d'initiatives et de grands projets dans les Collectivités d'outre Mer (Clicanoo, Les Nouvelles Calédoniennes, et plus récemment La Croix du 14 avril), le Blog "Les Énergies de la mer renouvelables " édité par 3B Conseil sans oublier les News de notre site)
Doit-on se réjouir de cette évolution ? Qu'en est-il exactement ?
Le projet phare aujourd'hui, au moins au plan médiatique, est
incontestablement le plan "Réunion 2030" dont l'objectif est, entre autres
d'acquérir une certaine autonomie énergétique et dans lequel l'Énergie
Thermique des Mers figure en bonne place. Des mesures de température sont
d'ailleurs en cours pour déterminer si le site envisagé, à La Réunion, est
adapté pour cette technologie. En Polynésie Française, la climatisation par
l'eau froide profonde est déjà en service dans un hôtel de Bora Bora. Les
pouvoirs publics poursuivent dans cette voie avec la climatisation d'un futur
hôpital.
D’après les informations rassemblées par le Club, il apparaît donc bien que
plusieurs projets soient en cours d’élaboration dans nos Collectivités d'Outre
Mer (COM) les plus proches de la ressource, mais pas nécessairement coordonnés,
voire même concurrents.
Si l'utilisation de l'eau froide profonde pour la climatisation ou la
production d'électricité ne nécessite aucune rupture technologique, il n'en
reste pas moins que des opérations industrielles en milieu marin comportent un
certain nombre de phases critiques, qu'il s'agisse du choix du site le plus
favorable, ou d'opérations d'immersion de la conduite d'eau profonde et, par la
suite, les opérations d'entretien et de protection contre les salissures.
Le projet de la centrale 5 MW de Tahiti élaborée dans les années 80, puis
abandonné, pour des raisons de politique générale, (que certains ont appelées
"tournant de la rigueur"...), avait bien montré la nécessité d'étapes de validation.
La question se pose donc d'organiser un partage de
connaissances et une démarche de retour d'expérience entre les différentes
initiatives pour prévenir les duplications d'effort ou même, la répétition de
fausses manœuvres.
Compte tenu du décrochage de l'effort technologique européen par rapport aux
USA, Japon ou même l'Australie, on peut se demander si un ambitieux programme
de R et D ne serait pas un bon moyen de combler les effets de l'inaction de ces
20 derniers années.
Un démarrage rapide de l'exploitation industrielle de cette ressource
abondante, renouvelable, et non intermittente est souhaitable. Une alliance
entre Maîtres d'ouvrage et/ou Maîtres d'œuvres, (Collectivités d'Outre Mer),
peut être un moyen d'aller plus vite, en favorisant le repérage et la diffusion
des démarches les plus efficaces. Cette alliance devrait comprendre non
seulement les partenaires français ayant un intérêt commmun, mais aussi ceux
d'autres pays européens, par exemple l'Espagne et le Royaume Uni.
Ne serait ce pas là un projet ambitieux qui pourrait s’intégrer dans les
actions du domaine de l’Énergie et du Changement Climatique, que la France
souhaite soumettre à ses partenaires de l’Union Européenne ? Union dont elle va
assurer la Présidence pendant le deuxième semestre de cette année 2008...
Alors, que faudrait-il faire ?
D’abord formaliser un argumentaire en opportunité, montrant que l’ETM se prête au développement industriel d’une filière énergétique renouvelable.
Constituer pour cela un réseau, formel ou informel, reliant les initiatives en cours, représentatif des acteurs publics et privés du secteur de l’énergie, et susceptible de faire advenir les nombreuses synergies possibles.
Associer, bien entendu, l’Union Européenne à l’élaboration de cet argumentaire, et proposer un programme d’actions à entreprendre sur les 5 premières années.
Évaluer les coûts de réalisation,
Rechercher les sources de financement et les opérateurs.
Mois de février 2008
1/1 - 2007- 2009, les années internationales
Pendant trois ans (de 2007 à 2009), la planète Terre va faire l'objet de toutes les attentions, organismes internationaux, états, politiques, scientifiques s'allient pour mieux comprendre les équilibres du système Terre, Océan, Atmosphère et Héliosphère.
Trois "Années Internationales" ont été déclarées :
L'Année Héliophysique Internationale (AHI, en anglais IHY)
L'Année Polaire Internationale (API, en anglais IPY)
L'Année Internationale de la Planète Terre (AIPT, en anglais IYPE)
Ces années correspondent en fait à trois années de travaux (2007-2009), c'est pourquoi certains les appellent "triennum".
Elles ont toutes un objectif commun :
La mise en place de recherches et d'observations coordonnées au niveau international dans les différentes disciplines et un effort d'information et de sensibilisation du public sur les thématiques abordées et leurs objectifs.
L'Année Héliophysique Internationale a été lancée en 2007 et a pour but d'étudier les mécanismes physiques qui régissent l'interaction entre les atmosphères planétaires (terrestre en particulier), et les phénomènes solaires et héliosphériques.
L'Héliophysique est une extension de la Géophysique à l'échelle solaire et interplanétaire, l’héliosphère, étant la partie de l'espace qui est soumise à l'influence du Soleil et de son atmosphère en expansion, le vent solaire.
Cette manifestation intervient 50 après l'Année Géophysique Internationale qui a marqué le début de l'exploration spatiale et qui pour la première fois a permis de mettre des moyens considérables sur toutes les disciplines de la Géophysique.
Voir notre article : L'Année Géophysique Internationale (AGI) 1957-1958 -Jacques Merle
Voir aussi : le site officiel de Inical Year
125 ans après la première Année Polaire Internationale et 50 ans après la troisième qui eut lieu dans le cadre de l'Année Géophysique Internationale, cette quatrième Année Polaire Internationale constitue un effort de recherche sans précédent autour de programmes ambitieux, coordonnés au niveau international.
L'objectif de l'ICSU (International Council for Science) et du WMO (World Meteorological Organization) est de permettre une grande avancée des connaissances sur les régions polaires, où se trouvent une partie des réponses aux questions que l'ensemble de la planète se pose sur l'évolution de son environnement.
Voir le site de l'Année Polaire Internationale
L'Année Internationale de la Planète Terre (AIPT) est une initiative de l’Union Internationale des Sciences Géologiques (IUGS) et de l’UNESCO, son objectif,
"mettre les géosciences à l'honneur" et "Communiquer le rôle et l’importance sociétale des géosciences pour une meilleure gestion du futur"
Comme les autres, elle s'adresse à la fois aux scientifiques, aux scolaires et au grand public.
Le lancement aura lieu les 12 et 13 février prochain à l'UNESCO et les Nations Unies ont proclamées 2008 année majeure de ce "triennum".
Voir le site de l'Année Internationale de la Planète
Mois de janvier 2008
1/1 - Le réseau de flotteurs autonomes ARGO a atteint son objectif de déployer 3 000 unités, le 1er novembre 2007.
Le réseau d’engins autonomes d’observation de l’océan, dénommé ARGO doit permettre de décrire en continu et en temps réel l’état physique de l’océan à travers trois paramètres essentiels, température, salinité et courant. Les flotteurs dérivent au gré du courant pendant 10 jours à leur profondeur d’équilibre hydrostatique (généralement 1 000 mètres) et plongent à 2000 m, avant de commencer à enregistrer lors de remontée des profils de température et de salinité jusqu'à la surface, où ils délivrent alors leurs données à un satellite collecteur. A l’occasion du lâcher du 3 000ème flotteur, objectif initial du projet ARGO, son président, Dean Roemmich, qui a reçu en décembre 2007 la «Sverdrup Gold Medal», a déclaré : «L’objectif climatique qui motive le projet ARGO exige que l’on couvre d’observations la totalité de l’océan sans discontinuer et pour toujours ; ainsi le fait d’avoir atteint l’objectif de 3 000 flotteurs marque seulement le début de cette mission d’observation»
Quelle est l’origine d’ARGO ?
ARGO est né d’un rêve. Le rêve d’un célèbre océanographe, Henry Stommel, qui, il y a près de 20 ans, imagina dans un article d’anticipation resté célèbre, que des nations s’unissaient pour développer des engins d’observation autonomes de l’océan (appelés Slocum en référence à Joshua un Slocum, célèbre navigateur qui réalisa le premier tour du monde en solitaire entre 1895 et 1898) et s’engageaient dans une course pour la plus longue durée d’immersion. On était en 2021 et cette compétition était suivie par les medias du monde entier popularisant ainsi l’observation opérationnelle de l’océan, et… les français gagnaient la course !.
Quinze ans après cette anticipation, mais aussi la disparition d’Henry Stommel,
des scientifiques ayant participé au programme WOCE, ont acquis une solide expérience des
flotteurs de subsurface et notamment de l’ALACE pour mesurer, en immersion et
de façon autonome, les courants.
Durant WOCE, ces flotteurs dérivaient au gré des courants à des immersions variables mais choisies et ils faisaient surface régulièrement pour indiquer leur position et délivrer des observations de surface par l’intermédiaire d’un satellite collecteur d’information participant au système GPS.
A partir de ce concept de flotteurs dérivants capables d’aller-retour programmés entre la surface et une profondeur définie, il devenait possible, en ajoutant des capteurs de température et de salinité, de concevoir un engin totalement autonome mesurant en immersion les trois paramètres essentiels qui décrivent l’océan et sa dynamique : le courant à une immersion choisie, et la température et la salinité de la colonne d’eau qui surmonte cette immersion.
En 1998, 23 ans avant la date anticipée par Stommel (2021), un groupe de
chercheurs proposa, dans le cadre du programme CLIVAR du WCRP, de déployer un réseau
de tels flotteurs autonomes pour couvrir la totalité de l’océan mondial avec
une résolution spatiale de 3 x 3 degrés, ce qui conduisait à avoir à l’eau en
permanence 3 000 flotteurs autonomes. Dix pays, dont la France, acceptèrent
les premiers de construire de tels flotteurs et de les déployer à partir de
l’an 2000.
Où en est ARGO en Décembre 2007 ?
Progressivement d’autres pays se joignirent à ce groupe et actuellement, fin 2007, 27 pays participent au programme ARGO. L’objectif de 3 000 flotteurs vient d’être atteint, mais pour maintenir ce chiffre il faut déployer 800 nouveaux flotteurs par an, la durée de vie moyenne d’un flotteur étant estimée à quatre années.
ARGO est un concept totalement nouveau pour la communauté scientifique qui fait
ainsi ses premiers pas dans l’océanographie opérationnelle. Cela nécessite
donc, pour les pays et les chercheurs impliqués, une nouvelle façon de
travailler passant par une coopération plus étroite et un plan de gestion et
d’exploitation des données rigoureux.
Chacun des participants doit fournir ses données, moins de 24 heures après leur acquisition, à des centres de données situés en France et aux USA. Les données sont alors validées et disponibles sous 48 heures pour l’ensemble de la communauté scientifique et les centres météorologiques opérationnels à travers le système de télécommunication géré par l’Organisation Météorologique Mondiale. Un centre opérationnel ARGO (ARGO Information Centre - AIC) sous les auspices de la COI, et situé en France, pilote et coordonne les déploiements, recueille et distribue toutes les informations relative au réseau. Au total près de 100 000 profils ARGO sont produits chaque année (évaluation de 2006) ce qui représenterait plusieurs dizaines d’années de jours de mer de navires océanographiques pour recueillir une somme d’information équivalente.
Les données ARGO sont assimilées dans des modèles de circulation générale
océaniques inter-comparés dans le cadre d’un programme international : GODAE.
Le groupe inter-organisme français MERCATOR-OCEAN a
développé un tel modèle pour réaliser en mode opérationnel des prévisions à 15
jours de l’état (température, salinité, courants) de la totalité de l’océan.
Pour cela il utilise les données ARGO préalablement validées par le centre de
données français, CORIOLIS, assuré par l’IFREMER, à Brest.
A quoi sert ARGO ?
On peut distinguer deux catégories d’usages principaux : des usages opérationnels et des usages à des fins de recherches.
Usages opérationnels.
Des centres de données situés en Australie, France, Japon,
Angleterre, USA, utilisent en routine les données ARGO pour des analyse des
conditions océaniques de sub-surface régionales et globales. Toutes ces données
sont par ailleurs mises en ligne par la WWW de l’ OMM, pour que les centres météorologiques
soient avertis rapidement d’éventuelles anomalies thermiques ou dynamiques de
l’océan pouvant avoir un impact sur des événements météorologiques inhabituels.
El Nino en est un exemple.
La surveillance de l’environnement physique des lieux de pêches très
fréquentés, comme l’Alaska et les mers entourant le Japon, est aussi
actuellement tributaire des données ARGO utilisées en temps réel.
La prévision météorologique saisonnière utilisant des modèles couplés prenant
en compte l’océan est aussi utilisatrice des données ARGO. C’est ce que fait le
service météorologique britannique en utilisant les données de l’Atlantique
pour prévoir 6 mois à l’avance les conditions météorologiques moyenne de
l’hiver suivant sur l’Europe du nord. Météo-France réalise également des
prévisions saisonnières intéressant plus particulièrement l’Europe du sud et
l’Afrique.
Usages recherche.
Jamais les océanographes et les climatologues n’avaient eu à leur disposition une telle quantité de données de qualité couvrant la presque totalité de l’océan mondial et notamment l’hémisphère sud, mal échantillonné jusqu’ici par les navires de commerce et les navires de recherche. Il est maintenant possible de suivre de manière précise et continue l’évolution des conditions océaniques. Ainsi par exemple:
l’évolution globale du contenu thermique des couches superficielles de l’océan et de l’élévation du niveau de la mer qui en découle : 1.9 mm/an sur un total de 3.3 mm/an mesurés par les satellites altimétriques Topex/Poseidon et Jason,
les évolutions aux échelles régionales de la distribution de température et de salinité, (donc de densité), dont on pourra déduire les variations des courants océaniques en faisant à terme la part de la variabilité naturelle face à la perturbation anthropique,
le début d’une surveillance quantitative des variations de la convection hivernale de l’Atlantique nord, pompe aspirante de la circulation thermo-haline profonde qui peut être affectée par le réchauffement climatique anthropique.
Voir aussi News : Euro-Argo : Vers une contribution pérenne de l’Europe au réseau global in-situ Argo de Pierre-yves le Traon