Les News
Février 2016
1/2 Atlas du climat : Face aux défis du réchauffement.
Livre de François-Marie Bréon et Gilles Luneau, préfacé par Jean Jouzel,
cartographie de Hugues Piolet.
Recension de Yves Fouquart.
Un bouquin de plus sur le climat, quelques variantes sans doute mais rien de bien transcendant, c’est à cela que je m’attendais. Des livres sur le climat, ce n’est certes pas ça qui manque. Avec la COP21, on en a vu fleurir une quantité impressionnante. Celui-ci arrive un peu plus tard mais il tranche sur ses prédécesseurs. Entrez donc dans une librairie et feuilletez-le. Ce qui frappe au premier coup d’œil, c’est la présentation : des figures, des cartes et des schémas en pagaille, de la couleur, bref, une présentation superbe. De quoi rendre jaloux quand on a, comme moi, commis un bouquin rendu presque illisible par son éditeur.
L’ouvrage aborde 37 sujets qui disposent chacun d’une double page comportant généralement trois ou quatre illustrations et un texte assez synthétique. Il est divisé en quatre chapitres qui abordent :
- le fonctionnement du climat,
- les perturbations anthropiques,
- les impacts du réchauffement
- et les pistes d’action.
Trente-sept thèmes, c’est finalement assez peu et il a fallu faire des
choix. Ce que le livre gagne en présentation, il le perd nécessairement en
exhaustivité.
Les
systèmes d’observation, l’équilibre énergétique, l’alternance des
glaciations, la circulation océanique et le cycle du carbone, ce sont les
sujets abordés dans le premier chapitre, à cela s’ajoute une présentation
des perturbations naturelles aux différentes échelles de temps et l’effet
des nuages.
Le deuxième chapitre aborde la hausse des températures, l’évolution de la
glace et de la neige, le niveau des mers, l’effet de serre, les émissions
anthropiques de CO2, l’ozone, la déforestation et les aérosols.
Ces deux chapitres ont pour objectif de poser les bases de la problématique.
Disons tout de suite que si la présentation est très attrayante, elle ne
permet pas de beaucoup approfondir le discours qui reste somme toute assez
superficiel et incomplet. Il y a de quoi amener un lecteur curieux à se
poser des questions mais il n’y trouvera pas toujours de réponse
satisfaisante. Par exemple, deux pages sont consacrées à l’effet de serre
mais le processus physique lui-même est expédié en cinq phrases et en moins
de 60 mots. C’est assurément très concis. Les questions relatives à la
dynamique de l’atmosphère et de l’océan ne sont qu’à peine effleurées au
détour de la légende d’une figure. De même, le rôle de la vapeur d’eau et de
ses changements de phase n’est pas abordé.
On peut aussi regretter que les illustrations soient trop peu commentées et
parfois pas du tout. Ça peut être très perturbant comme dans le cas du cycle
du carbone où une des figures est particulièrement mal appropriée
puisqu’elle présente sous ce nom, un bilan simplifié qui ne concerne, en
fait que les émissions anthropiques alors que le texte se rapporte au cycle
du carbone dans son ensemble, c’est à dire en incluant les flux naturels de
CO2.
La troisième partie traite de l’influence du réchauffement sur les activités
humaines : quels sont les problèmes et quelles sont les perspectives
ouvertes par le réchauffement ? On y aborde la question des évènements
extrêmes et de leur coût économique et humain, l’ouverture des voies de
communication maritime par l’Arctique, les impacts sur la biodiversité
marine et terrestre, la pêche, l’agriculture et la santé ainsi que les
surcotes et la salinisation liées à la hausse du niveau de la mer. La
question des migrations de population et celle du coût du réchauffement
terminent ce chapitre.
On y trouve des cartes présentant l’évolution de la
chenille processionnaire en France, celle de la productivité agricole dans
le monde, l’avancée du moustique tigre en France et la répartition des
réfugiés climatiques dans le monde, essentiellement pour causes de tempêtes
ou d’inondations.
On sait que nos sociétés sont malades de leur addiction aux énergies
fossiles. On commence à en mesurer les dégâts. Une fois le constat établi,
que faire ? La désintoxication semble s’imposer mais encore faudrait-il que
le remède ne tue pas le malade. C’est, au fond, cette question qui est
abordée dans le dernier chapitre qui s’intitule le temps de l’action. En
abordant Les scénarios du GIEC, l’historique de la prise de conscience, les
difficultés de la coopération à l’échelle planétaire, la question centrale
des financements, l’indispensable transition énergétique, les auteurs posent
le cadre des pistes d’action pour l’agriculture, les transports et la ville.
La piste de la géo-ingénierie n’est pas oubliée mais ce n’est manifestement
pas une solution aux yeux des auteurs pour qui cette piste n’est rien
d’autre qu’une fuite en avant vers des solutions techniques hypothétiques et
dangereuses quand il faudrait un changement radical de paradigme.
Les dernières pages et la conclusion générale prennent une tournure plus
engagée mettant en avant les initiatives de la société civile et dénonçant
le «manque de volonté politique», les différences d’appréciation Nord/Sud
ainsi que les obstacles dressés par les différents lobbys. Le dernier thème
intitulé «La révolution des modes de vie est-elle possible ?» oppose deux
trajectoires d’évolution possible de la ville : la cité intelligente où tout
est centralisé et «mis en équation» dans une démarche «top-down» et l’éco
ville qui correspond à la démarche inverse. Les auteurs rappellent fort
utilement que ces trajectoires seront soumises à des contraintes imposées
par le jeu des acteurs financiers et des acteurs sociaux.
En résumé, un ouvrage qui vaut surtout par sa forme mais qui s’efforce d’aborder tous les aspects de la problématique du changement climatique de la description des mécanismes fondamentaux du système climatique aux impacts prévisibles du réchauffement et aux pistes d’action sans oublier les problèmes sociétaux qui en découlent. C’est fait d’une façon très attrayante mais nécessairement schématique et peu approfondie.
Le lecteur bien au fait de la littérature du climat y retrouvera de nombreux schémas et courbes avec lesquels il est très familier comme par exemple la représentation des échanges énergétiques dans l’atmosphère, le tapis roulant océanique ou l’évolution de la température et du CO2 depuis 400 000 ans, la part des différentes sources d’énergie dans la consommation mondiale, etc... mais c’est le regroupement de toutes ces illustrations qui fait l’intérêt de l’ouvrage. Surtout, il apparaît comme un document à mettre entre toutes les mains et surtout celles des non spécialistes dont l’intérêt pour le sujet en est encore au stade embryonnaire. Si vous avez un cadeau à faire, joignez l’utile à l’agréable et n’hésitez pas, vous aurez même peut être le plaisir d’être questionné sur des aspects laissés dans l’ombre.
Publié aux Éditions Autrement - Octobre 2015.