Les News
Janvier 2016
2/2 LANCEMENT DE JASON-3 - Le point sur l'altimétrie au 18/01/2016. Jean Pailleux.
Le satellite altimétrique Jason-3 a été lancé avec succès le 17 janvier 2016 depuis la base américaine de Vandenberg en Californie. C'est le 3e satellite de la série Jason, sa mission principale est d'assurer la continuité de celle de Jason-2, toujours en fonctionnement. Développé dans le cadre d'une collaboration américano-européenne (CNES, EUMETSAT, NOAA, NASA), ce satellite est d'abord destiné à la mesure du niveau de l'océan, grâce au radar altimétrique Poséidon-3B, associé à un système d’orbitographie de haute précision.
À son bord, se trouvent également :
l'instrument DORIS, développé par le CNES, ainsi qu'un réflecteur laser et un récepteur GPS. Ces 3 éléments constituent le système de localisation et de restitution d’orbite précise;
un radiomètre micro-onde (AMR : pour évaluer le contenu atmosphérique en vapeur d'eau et pour faciliter la correction altimétrique dite de «troposphère humide »).
Jason-3 est placé sur une orbite inclinée de 66° (par rapport à l'équateur) à 1336 km d'altitude, la même orbite que Jason-2. Ses mesures de hauteurs dynamiques de l'océan sont destinées à être utilisées en synergie avec celles de plusieurs autres satellites. Cette flottille contribue aux besoins de l'océanographie opérationnelle et de la surveillance du climat en fournissant d'autres données comme la température de surface, et les variations de couleur de l'océan. Les satellites altimétriques contribuent aussi à l'observation de la hauteur des vagues, du vent de surface (à 10 m au-dessus du sol), et de certaines étendues d’eau continentales. Souvent ils embarquent un sondeur micro-onde pour mesurer également l'humidité atmosphérique intégrée sur la verticale."
Un point sur le développement de l'altimétrie spatiale
L'émergence de l'altimétrie spatiale est décrite sur ce même site web :
La Terre mesurée depuis l’Espace : de DIAPASON (1966) à JASON (2001), la contribution française
La « News » d'avril 2006 : Quinze ans de progrès en altimétrie radar
Le principe de l'altimétrie est rappelé dans la FAQ : Quelles sont les variations actuelles du niveau de la mer ?
Voir aussi : «Satellite altimetry and earth sciences», edited by Lee-Lueng Fu and Anny Cazenave. Academic Press. ISBN : 0-12-269545-3
Nous faisons ici un point sur la mesure depuis l’espace du
niveau de la mer au moment du lancement de Jason-3. Nous remontons jusqu'au
début des années 1990, résumant ainsi 25 ans d'histoire de l'altimétrie. ERS1
(1991-2000), ERS2 (1995-2011) et ENVISAT
(2002-2012) sont trois satellites européens (ESA) qui contribuèrent beaucoup à
l'altimétrie sur cette période tout en embarquant de nombreux autres
instruments. Voir par exemple les 11 instruments
embarqués sur ENVISAT.
Ces trois satellites européens étaient tous sur des orbites héliosynchrones,
alors que le satellite américain GFO
(1998 - 2008), le successeur de GEOSAT
(1985 – 1990), plus spécialement dédié à l'altimétrie, plus léger, était sur
une orbite inclinée non héliosynchrone.
Une étape majeure a été atteinte dès août 1992 avec le lancement du satellite
TOPEX–Poséidon, une mission franco-américaine de référence pour l'altimétrie
(haute précision, orbite non héliosynchrone inclinée à 66° et à 1336 km
d'altitude). La mission de TOPEX–Poséidon s’est terminée en 2005. Cependant, la
précieuse collection de mesures entamée 13 ans plus tôt, se poursuit grâce à la
série des «Jason» : Jason-1 (2001-2013) et Jason-2
(lancé en 2008, toujours en service), et Jason-3 qui vient d'être lancé.
On parle de «missions de référence», car l'orbite non héliosynchrone permet de
mesurer les marées. Les plateformes héliosynchrones, donc phasées avec le cycle
diurne, sont affectées par un échantillonnage inadéquat du cycle des marées. A
la différence d'une plateforme multi-missions comportant une grande diversité
de mesures, un système dédié du type Jason est plus léger, moins coûteux, et
son orbite peut être optimisée dans ses moindres détails pour satisfaire les
besoins de la mesure de la hauteur de l'océan. Il n'est pas nécessaire de
rechercher « une répartition équitable du mécontentement » entre les exigences
parfois contradictoires de divers utilisateurs. Les mesures fournies par les
satellites héliosynchrones (ERS, ENVISAT, Sentinel-3) sont
étalonnées (recalées) sur les mesures des satellites non-héliosynchrones
(Jason).
En outre , les rendez-vous en orbite entre missions de référence successives,
(décembre 2001 entre TOPEX–Poséidon et Jason-1, puis juillet 2008 entre Jason-1
et Jason-2), ont permis d’opérer, (au cours de 2 vols en formation serrée de
plusieurs mois), un inter-étalonnage de ces 3 systèmes de mesure couvrant
maintenant une durée d’observation de plus de 20 ans. Il s’agit d’une étape
vitale pour éliminer les effets de dérives éventuelles ou de biais de mesure
entre un système précis mais vieillissant, et son successeur, en début de
carrière ! Espérons que le même inter-étalonnage va pouvoir s'effectuer entre
Jason-2 et Jason-3.
L’existence de mesures de référence permet de tirer profit des observations
co-localisées : lorsque 2 systèmes altimétriques réalisent chacun une mesure de
hauteur dynamique au même endroit avec un décalage de quelques heures, voire de
quelques jours… il est possible d’apporter une correction au système moins
précis en utilisant la mission de référence. (Cf. Eos Transactions,
sept. 1995.)
Malgré une certaine limitation en couverture de données (due au choix d’une
orbite qui ne donne pas accès aux latitudes supérieures à 66° N ou S, et à la
visée des altimètres qui se fait uniquement au nadir), les instruments ont
permis d'estimer le niveau de l'océan avec une précision inégalée. Plus
précisément, ils donnent accès au champ de hauteur dynamique, une grandeur
intégrale caractéristique de la colonne d’eau, homologue de ce qu’est pour
l’atmosphère le champ de pression au sol. La série des Jason contribue aussi à
l'observation de la hauteur significative des vagues, et, de manière plus
marginale, à celle du contenu total en électrons de l’ionosphère, et à celle du
vent à la surface de l'océan.
L'observation altimétrique en 2016
À coté de Jason-2 et Jason-3 déjà mentionnés, les satellites suivants sont actuellement en service et fournissent des données altimétriques :
SARAL: satellite héliosynchrone franco-indien équipé de l'altimètre Altika ; lancé en 2013, on estime à 5 ans sa durée de vie.
HY-2A : satellite héliosynchrone chinois équipé d'un altimètre (et aussi d'un diffusiomètre) ; lancé en 2011, il est toujours en service ; son successeur HY-2B doit être lancé en 2016.
CRYOSAT-2 : satellite de l'ESA, sur une orbite non héliosynchrone passant tout près des pôles, plus spécialement dédié à l'observation de la glace, mais contribuant de manière significative à l'observation de l'océan ; il est équipé du radar interférométrique SIRAL qui peut fonctionner en mode «SAR» pour atteindre localement une résolution horizontale de 250m.
Sentinel-3A, premier satellite altimétrique européen de la série du programme COPERNICUS, doit autre lancé au début 2016, peu de temps après Jason-3. Il doit être placé sur une orbite héliosynchrone à 815 km d'altitude et être équipé du radar altimétrique SRAL.
Pour l'océanographie opérationnelle telle qu'elle est pratiquée
maintenant à Mercator-Océan, les observations des satellites suivants Jason2,
SARAL, et Cryosat2, sont utilisées pour guider les modèles. Les spécialistes
parlent d'assimilation de ces données dans
les modèles. Les données sont disponibles en quelques heures pour les dernières
données et dans les 24h avec un traitement plus fin des erreurs. HY-2A a été
assimilé jusqu’à l'été 2015, mais des anomalies ont été détectées et ses
données ont été retirées de l'assimilation. Elles seront réintroduites si leur
monitoring montre une meilleure qualité.
Le diagramme suivant résume l'ensemble des missions altimétriques depuis 1991
et contient aussi les missions programmées pour les prochaines années.
Un point complet sur l'altimétrie nécessite de mentionner aussi les missions gravimétriques qui permettent de mieux connaître le champ de gravité terrestre et donc le géoïde. Depuis 2002 un satellite GRACE fonctionne opérationnellement, les successeurs (GRACE-FO – Follow-On) devraient être prêts à continuer à partir de 2017. La mission GOCE de l'ESA (2009 – 2012) a permis d'étudier le champ de gravité à une résolution horizontale très fine.
Et le futur jusqu'en 2025 ?
Dans son plan de mise en œuvre pour l'évolution du système mondial
d'observation jusqu'en 2025, adopté en 2013/14 par l'Organisation
Météorologique Mondiale (OMM), on trouve l'action suivante concernant
l'observation altimétrique : «Implement an altimeter constellation
comprising a reference mission on high-precision, not sun-synchronous, inclined
orbit, and two instruments on well separated sun-synchronous orbits.».
Cette action a été rédigée à partir des besoins exprimés par les usagers
s'occupant des différentes applications utilisant la hauteur du niveau de la
mer, besoins extrapolés jusqu'en 2025. Sans regarder dans les détails, on voit
que la situation actuelle de l'altimétrie spatiale n'est déjà pas loin de celle
recommandée par les experts de l'OMM. Il subsiste toutefois des lacunes par
rapport aux besoins idéaux («gaps with respect to observation
requirements» dans le langage du web Oscar de l'OMM), en
particulier si l'on regarde de près dans quelle mesure les instruments actuels
permettent d'atteindre la bonne couverture globale en observations et la bonne
résolution horizontale.
Pour améliorer l'observation altimétrique (et aussi l'observation d'autres
paramètres environnementaux comme ceux de l'ionosphère, ou ceux du géoïde),
plusieurs avancées technologiques sont prévus sur les satellites du futur (déjà
programmés ou encore à l'étude).
La série Sentinel (inaugurée par Sentinel-3A début 2016) doit se poursuivre par Sentinel-3B prévu après 2017 pour une durée de 7 ans environ.
Idem pour HY-2B qui doit succéder à HY-2A.
Après Jason-3, un «Jason-CS» (Jason Continuity of Service) devrait prendre le relais, avec une instrumentation améliorée en cours de réalisation. Son nouvel instrument (Poseidon-4) fournira une précision de 5 mm. Jason-CS doit rejoindre la filière « Sentinel » en s'appelant aussi « Sentinel-6A ».
La mission franco-américaine SWOT, également en cours de réalisation, devrait être mise en orbite en 2020. Elle doit permettre des avancées majeures, non seulement en océanographie à haute résolution, mais aussi dans l'hydrologie des fleuves et rivières. Elle doit s'appuyer en particulier sur le radar interférométrique KaRIN (Ka-band Radar Interferometer) qui observerait la surface des océans et autres étendues d'eau sur une fauchée de 120 km de large avec une très fine résolution horizontale.
Au stade de la conception, la mission COMPIRA de l'agence japonaise JAXA emportera aussi un instrument à large fauchée sur une orbite non héliosynchrone et peu inclinée.
En savoir plus :